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Les légendes du roc réfléchissent aux réussites et aux échecs de l’industrie minière lors de la Conférence mondiale sur les mines, métaux et minéraux critiques

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Il est rare que quatre légendes de l’industrie minière se rencontrent pour discuter de l’état de leur secteur. C’est ce qui est arrivé cette année, alors qu’un groupe d’ex-dirigeants miniers totalisant plus de 172 ans d’expérience ont profité de la Conférence mondiale sur les mines, métaux et minéraux critiques pour partager leurs vues sur une foule de sujets allant des dépenses d’investissement à l’innovation, en passant par les questions liées à l’environnement, à la société et à la gouvernance (ESG). 

La table ronde intitulée « Les légendes du roc – Réussites et échecs » était animée par Pierre Lassonde, cofondateur et actuellement président du conseil émérite de Franco-Nevada Corp., première société de redevances aurifères inscrite en bourse. Il était accompagné de Mark Cutifani, qui a passé près de dix ans à la barre d’Anglo American, Gary Goldberg, chef de la direction de Newmont de 2013 à 2019, et Doug Upton, ex-associé de Capital Group, l’une des sociétés de gestion de placements les plus grandes et les plus anciennes du monde. 

Pierre Lassonde voulait aborder cinq sujets en se plaçant du point de vue des actionnaires. On trouvera ici les principales questions qu’il a posées et les réponses des panélistes, condensées par souci de clarté et de concision. 

Augmentation des dépenses d’investissement

Actuellement, la croissance des dépenses d’investissement de l’industrie par rapport aux bénéfices avant intérêts et impôts est au plus bas en 20 ans. « Est-ce bon ou mauvais pour les actionnaires? », a demandé Pierre Lassonde. 

Gary Goldberg : Les entreprises font preuve de plus de rigueur avec leurs dépenses d’investissement – la hausse des coûts et l’envergure des projets incitent à beaucoup plus de prudence. En outre, il faut maintenant beaucoup de temps pour faire accepter les projets par les communautés et obtenir les permis nécessaires, ce qui retarde l’exécution. Je ne pense pas que les entreprises renoncent à des projets; ils sont simplement plus vastes, plus difficiles à réaliser et plus longs à mettre en œuvre. Or, le temps joue un rôle critique dans notre domaine.

Mark Cutifani : Les nouveaux projets coûtent plus cher qu’avant. Le coût d’exploration par unité de matériau trouvée a doublé en 20 ans. Par conséquent, les investissements sont beaucoup plus rigoureux, surtout depuis 10 ans. À l’heure actuelle, on attache nettement plus d’importance au rendement et au point de vue des actionnaires que durant mes 46 ans de carrière à titre de dirigeant minier.

Doug Upton : L’industrie était plus solide dans les années 1990. Actuellement, elle est plus fragile et moins en mesure d’investir tout au long du cycle d’exploration. Les dépenses en capital ont vu leurs cycles raccourcir, pour se réduire à presque rien. Après avoir dépendu de la dynamique de la demande dans les années 1970, 1980 et 1990, les investissements dépendent désormais des cycles de l’offre qui présentent une bien plus grande amplitude. Après sept ou huit ans de sous-investissement marqué, l’industrie minière se retrouve dans la situation la plus singulière de son histoire.

Importance des facteurs ESG 

Les facteurs ESG sont désormais une priorité pour de nombreux dirigeants du secteur minier, mais Pierre Lassonde a demandé s’il s’agit simplement d’un nouveau centre de coûts ou d’une démarche qui a des avantages concrets pour les actionnaires. 

Cutifani : Si vous ne faites pas bien les choses dans ce domaine, vous n’aurez pas d’avenir. En fait de gouvernance, vous devez veiller à la santé et à la sécurité de vos employés. Si vous ne protégez pas l’environnement ou ne vous dotez pas des compétences scientifiques et technologiques nécessaires, vous risquez de détruire votre entreprise d’un coup sec. Sur le plan social, vous devez nouer des liens avec les communautés locales et régionales et avec les gouvernements, sans quoi vous allez disparaître. À mon avis, les demi-mesures ne suffisent pas à ce chapitre.

Upton : Désormais, nous parlons des facteurs ESG. Cela a un nom, et nous nous concentrons sur ce que nous pouvons mesurer. Cependant, un certain flou persiste parce que tout cela est encore nouveau. Je remarque surtout que dans ce domaine, c’est le secteur financier qui s’érige en juge de critères comme le niveau acceptable de diversité, la bonne façon de traiter une communauté locale ou la rapidité avec laquelle les entreprises devraient se décarboner.

Goldberg : Pour réussir, une société minière doit absolument tenir compte des facteurs ESG. Vous devez attirer des talents, mobiliser des capitaux et avoir accès aux ressources. Vous devez veiller à la sécurité des employés et à l’environnement, et soigner vos liens avec la communauté. Sans le soutien des communauté locales, vous n’irez nulle part. Nos clients exigent aussi que nous respections ces critères. Il y a quelques années, le World Gold Council a défini des principes d’exploitation aurifère responsable. Ce fut tout un exercice de rallier tout le monde à ces règles. Nous avons ensuite fait un pas de plus en obligeant tous les membres du Conseil à rendre compte de leurs progrès dans l’application de ces principes. 

Mieux innover face aux plus faibles teneurs 

Depuis 20 à 40 ans, les teneurs en or, en cuivre et en d’autres minerais ont baissé « parfois de façon précipitée », a souligné Pierre Lassonde, ajoutant que les minières « produisent les mêmes quantités qu’avant, mais à un coût plus élevé ». Dans ce contexte, il a demandé aux panélistes comment l’industrie pouvait modifier cette trajectoire et quelles innovations pouvaient changer la donne.

Goldberg : Bien des gens brillants s’attaquent actuellement à ces enjeux. Par exemple, sur le plan de l’exploration, les gisements de surface faciles à trouver ont été largement découverts et on travaille à des technologies innovantes permettant de déceler des gisements plus profonds. On travaille aussi à récupérer des métaux de ce qui était auparavant considéré des résidus. Enfin, on fait beaucoup appel à l’automatisation pour réduire la consommation d’énergie dans le cadre de l’extraction et du traitement des minerais.

Cutifani : Depuis un siècle, les teneurs ont baissé de 1,5 % par année en moyenne, et cela va continuer. Chaque mine doit aller entre 40 et 50 mètres plus creux chaque année, d’où la hausse des coûts liés aux déchets et l’allongement du temps nécessaire pour se rendre au site souterrain. En outre, les nouveaux projets sont situés plus loin des infrastructures. Ainsi, les coûts structurels de l’industrie augmentent d’environ 5 % à 10 % par an. Nous avons toujours innové, mais nous allons devoir repenser notre façon d’innover à l’avenir. Ce sont des technologies comme l’extraction minière de précision, le tri du minerai ou la flottaison des grosses particules qui vont permettre de réduire les coûts de 30 % à 40 %. Les entreprises qui prendront une longueur d’avance sur ce plan afficheront la meilleure performance.

Upton : Les améliorations technologiques rapides réalisées par le passé nous donnent accès aux minerais à faible teneur. J’ai l’impression d’assister à un certain revirement de situation. J’observe que les activités de recherche-développement de l’industrie minière ont ralenti depuis 20 ou 30 ans et je me dis que nous ne faisons plus autant d’efforts qu’avant. Les avancées technologiques ne sont pas au rendez-vous. 

Goldberg : Je ne crois pas qu’il faille rendre la recherche-développement obligatoire, mais elle doit faire partie des priorités des entreprises qui planifient sur un horizon de 10 à 15 ans plutôt que sur un horizon de six mois. C’est difficile d’adopter une perspective à long terme. La majorité des PDG de sociétés minières ne restent pas en poste plus de neuf ans et les investisseurs peuvent changer tous les trimestres. Cependant, en définitive, il devrait revenir à chaque entreprise de fixer ses priorités.

Une planète plus interconnectée 

Pierre Lassonde a souligné que la planète rétrécit et que des facteurs comme les différends mondiaux et le nationalisme limitent les possibilités pour l’industrie minière. Par contre – et peut-être pour la première fois de l’histoire – les politiciens et le public se tournent vers les mines pour rendre le monde plus vert. « Comment les sociétés minières doivent-elles aborder cette nouvelle conjoncture? », a-t-il demandé. 
Goldberg : J’obéissais à une règle très simple dans ce domaine – je n’étais pas à l’aise pour installer nos employés là où j’aurais hésité à emmener ma famille. La sécurité des personnes doit passer avant tout. L’autre élément important est de réussir la phase d’exploration. Nous envoyons nos explorateurs aux quatre coins du monde – ils sont les premiers à entrer en contact avec les communautés et leur attitude détermine l’opinion que ces communautés vont avoir de la société minière. Si vous ne faites pas les choses correctement, vous serez exclu de cette région, peut-être pour toujours, d’où l’importance capitale de nouer d’emblée des liens solides fondés sur une compréhension mutuelle des attentes.

Cutifani : Les entreprises minières doivent aller là où se trouvent les ressources. Nous devons donc nous demander comment établir des liens avec nos partenaires, qu’il s’agisse de nos employés, de nos clients et surtout des communautés locales. Avec Internet, les gens voient ce qui se passe ailleurs. Notre approche doit donc se montrer très stratégique.

Un secteur plus attirant pour les investisseurs 

Pour conclure, Pierre Lassonde a posé une question bien sentie sur la réputation de l’industrie minière auprès des investisseurs. « Comment pouvons-nous modifier notre image de secteur dans lequel ça ne vaut pas la peine d’investir? », a-t-il demandé aux panélistes. 

Cutifani : Ce sont les fondamentaux qui détermineront l’orientation de l’industrie. C’est donc une question d’investissement et de rendement. Dans un contexte inflationniste, vous vous tirerez beaucoup mieux d’affaire et rapporterez davantage aux investisseurs si vous réduisez ou maîtrisez vos coûts, mais dans tous les cas, les fondamentaux sont incontournables.

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