Entretien avec Jared Diamond : la COVID-19, une crise prometteuse
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Nous avons tous, pour la plupart, entendu parler de Jared Diamond, auteur et lauréat d’un prix Pulitzer qui a consacré sa vie à s’attaquer aux questions fondamentales de l’existence et de l’expérience humaines, comme pourquoi certaines sociétés prospèrent alors que d’autres disparaissent. Son livre De l’inégalité parmi les sociétés traite des raisons pour lesquelles l’histoire humaine a évolué différemment dans le monde, et comment la position géographique des sociétés, non la race, explique pourquoi certaines ont mieux réussi que d’autres. Dans Effondrement, il examine pourquoi les sociétés s’effondrent et ce que nous pouvons tirer de l’histoire pour survivre, et dans Bouleversement, M. Diamond explore pourquoi certains pays surmontent les crises alors que d’autres pas, et ce que nous pouvons faire, en tant que personnes et nations, pour être plus résilients.
Nous nous situons à un moment unique et décisif de l’histoire. Confrontés à la pandémie de COVID-19, nous traçons la voie de la reprise et réinventons notre mode de vie, et certaines de ces mêmes questions doivent être posées aujourd’hui. Que pouvons-nous apprendre des expériences passées? Comment cette crise peut-elle servir de catalyseur au changement, et quels rôles doivent jouer les chefs d’État, les nations et les entreprises? Que pouvons-nous apprendre de la situation de la COVID-19 et quelles raisons avons-nous d’avoir espoir?
Voilà quelques-unes des questions que j’ai eu le privilège d’adresser directement à l’auteur de renommée mondiale lorsqu’il s’est joint à nous pour une causerie virtuelle « au coin du feu » lors de la réunion des directeurs généraux en juin.
Nous avons parlé de divers sujets, dont certains qui étaient près du cœur, comme notre impact sur la collectivité et la façon dont il motive notre comportement chez BMO.
Au cours des dix dernières années, en particulier, nous avons redéfini la notion d’intervenant, ce qui nous a mené, l’an dernier, à énoncer une nouvelle raison d’être pour BMO : avoir le cran de faire une différence dans la vie comme en affaires. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, ce changement a été l’un des plus importants que la banque a réalisé au cours de la dernière dizaine d’années.
Pour Jared Diamond, la crise de la COVID-19 offre, pour la première fois de l’histoire de l’humanité, une occasion pour le monde entier de se rassembler et se mobiliser pour résoudre un problème qui touche chacun d’entre nous.
Je ne prétendrais pas paraphraser la discussion que j’ai eue avec Jared. Plutôt, je vous propose quelques extraits de notre entretien.
Concernant la gestion des crises
Vous savez tous d’expérience, peut-être par la rupture de votre mariage ou un revers de carrière, que certains facteurs font en sorte que vous soyez plus ou moins susceptible de pouvoir gérer une situation difficile. Premièrement, il faut reconnaître qu’une crise existe. Sans cela, vous n’arrivez à rien. Vous devez assumer votre part de responsabilité et ne pas simplement porter le blâme sur les autres en vous apitoyant sur votre sort, et cela vaut également pour les pays. Enfin, vous devez savoir que dans une crise, il faut faire des changements sélectifs, et cela est vrai autant pour les pays que dans le monde des affaires.
Concernant l’identité mondiale et les raisons d’être optimiste
Le monde a longtemps souffert d’une absence d’identité mondiale. Nous nous considérons comme des Américains, et dans l’UE les gens se conçoivent comme des Européens, mais jamais ne nous percevons-nous comme des citoyens du monde. Et pourtant, nous sommes en pleine crise sanitaire mondiale.
Il y a lieu à l’optimisme. La pandémie, pour la première fois, aura mobilisé le monde entier à affronter une même crise touchant les quatre coins de la planète. Aucun pays ne peut se défendre seul contre la COVID-19, donc pour la première fois de l’histoire, les pays sont obligés de travailler ensemble pour résoudre à l’échelle planétaire un problème d’envergure mondiale.
Concernant la résolution des autres problèmes mondiaux qui menacent notre existence
Une fois que nous aurons géré la pandémie, j’espère que nous pourrons nous servir de ce que nous aurons fait comme modèle pour résoudre des problèmes mondiaux beaucoup plus graves que la COVID-19.
Le virus, oui, c’est terrible, mais la situation ne durera pas éternellement, et l’économie reprendra. Pensons aux grands problèmes, comme le changement climatique qui, si nous n’y trouvons pas une solution, détruira notre planète, ou encore à l’épuisement de ressources mondiales essentielles, ou l’inégalité dans le monde.
La raison pour laquelle je suis optimiste est qu’en ayant résolu le problème de la COVID-19 ensemble, au moyen de mesures prises à l’échelle planétaire, le monde se sentira enfin prêt, dans une année ou deux, à affronter de plus grands défis.
Concernant la COVID-19 comme professeure déterminée
Il est rare qu’un problème survienne et que nous trouvions immédiatement la voie à suivre pour le résoudre. Habituellement, en cherchant à résoudre un problème de nature personnelle ou nationale, nous faisons des essais, et les premières tentatives se terminent par l’échec. Dans le cas de la pandémie, plusieurs pays ont essayé de la gérer par eux-mêmes, mais ils sont en train d’apprendre que le contrôle du virus à l’intérieur de leurs frontières seulement n’est pas suffisant; ils finiront inévitablement par se faire réinfecter, comme il est arrivé en Chine et en Nouvelle-Zélande. Nous n’avons pas encore tous appris les leçons que la COVID-19 tente de nous enseigner, mais, telle une professeure déterminée, elle ne nous lâchera pas jusqu’à ce que nous les ayons apprises.
Concernant l’importance du leadership
Le leadership, dans cette situation, fait la différence, et nous avons des exemples de bons et de mauvais leaders.
En 1940, tout jouait contre Winston Churchill; l’armée nazie avait vaincu tous ses opposants, sauf la Grande-Bretagne, qu’elle s’apprêtait à envahir avec ses forces aériennes. M. Churchill a fait un travail extraordinaire en persuadant les Britanniques de ne pas conclure une entente de paix avec l’Allemagne nazie. Il s’identifiait avec l’ensemble du peuple britannique, ce qui en faisait un bon chef.
Abraham Lincoln est un autre exemple d’un véritable leader qui savait parler à l’ensemble de son peuple. Dans son discours de Gettysburg, M. Lincoln n’a pas utilisé les termes « nord » ou « sud »; il s’adressait à tous les Américains. Voilà un autre excellent exemple de leadership solide.
Et ceux-ci ne sont que quelques exemples de leaders qui ont su rassembler leurs concitoyens afin de les unir pour une même cause.
Concernant la mondialisation
Les gens me demandent souvent si la mondialisation fait plus de bien ou de mal. Je leur réponds qu’elle est neutre; elle fait de bonnes et de mauvaises choses. À cause de la mondialisation et du transport aérien, la COVID-19 a pu se propager très rapidement aux quatre coins du globe — voilà un désavantage de la mondialisation. Mais elle signifie aussi que les solutions se diffusent partout dans le monde.
Concernant les leçons de De l’inégalité parmi les sociétés
Je pense que les réponses que j’ai données en 1997 dans ce livre sont substantiellement exactes. À le revoir aujourd’hui, je ne changerais rien de majeur, mais il y a de nouvelles choses qui viennent enrichir le tableau.
Concernant la COVID-19 et le stress
Le stress est l’une de ces choses auxquelles il faut tout simplement s’habituer, mais ce qui peut aider à le gérer, c’est de réfléchir au bien qui peut sortir de la situation, croyez-le ou non. Il a le potentiel de faire en sorte que nous nous attaquions aux grands problèmes de ce monde, ce que j’essaie régulièrement de me souvenir.
Concernant le changement climatique, l’utilisation des ressources et l’inégalité
Les grands problèmes auxquels le monde fait face aujourd’hui étaient là avant la pandémie et le seront après, et ils peuvent miner nos économies de manière permanente, pas seulement un an.
Le premier gros problème est le changement climatique, qui est en train de poser des difficultés presque partout autour de la planète, et dont les dommages seront irréversibles si nous ne trouvons pas une solution. Le deuxième est notre utilisation non durable des ressources. Comme humains, nous dépendons de ressources, plusieurs desquelles sont renouvelables, comme les forêts, la pêche et la terre arable; l’eau douce se régénère par la pluie. Cependant, nous exploitons ces ressources de manières qui ne sont pas durables et nous risquons de les épuiser au cours des quelques prochaines décennies. Et enfin, il y a aussi le problème de l’inégalité dans le monde.
Je suis un optimiste prudent, c’est-à-dire que je reconnais que nous sommes confrontés à des problèmes importants, mais pense que nous sommes en mesure de les résoudre, puisque c’est nous qui les créons. Nous pouvons décider de cesser de créer des problèmes.
Concernant son prochain livre
Le leadership m’intéresse. Il fait une différence. Avant la pandémie, je pensais faire porter mon prochain livre sur le leadership et je n’ai pas changé d’idée.
Entretien avec Jared Diamond : la COVID-19, une crise prometteuse
Senior Advisor to the CEO
Le 1er novembre 2023, Dan Barclay se retirera du rôle de chef de la direction et chef, BMO Marchés des capitaux et transitionnera au poste de conseille…
Le 1er novembre 2023, Dan Barclay se retirera du rôle de chef de la direction et chef, BMO Marchés des capitaux et transitionnera au poste de conseille…
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Nous avons tous, pour la plupart, entendu parler de Jared Diamond, auteur et lauréat d’un prix Pulitzer qui a consacré sa vie à s’attaquer aux questions fondamentales de l’existence et de l’expérience humaines, comme pourquoi certaines sociétés prospèrent alors que d’autres disparaissent. Son livre De l’inégalité parmi les sociétés traite des raisons pour lesquelles l’histoire humaine a évolué différemment dans le monde, et comment la position géographique des sociétés, non la race, explique pourquoi certaines ont mieux réussi que d’autres. Dans Effondrement, il examine pourquoi les sociétés s’effondrent et ce que nous pouvons tirer de l’histoire pour survivre, et dans Bouleversement, M. Diamond explore pourquoi certains pays surmontent les crises alors que d’autres pas, et ce que nous pouvons faire, en tant que personnes et nations, pour être plus résilients.
Nous nous situons à un moment unique et décisif de l’histoire. Confrontés à la pandémie de COVID-19, nous traçons la voie de la reprise et réinventons notre mode de vie, et certaines de ces mêmes questions doivent être posées aujourd’hui. Que pouvons-nous apprendre des expériences passées? Comment cette crise peut-elle servir de catalyseur au changement, et quels rôles doivent jouer les chefs d’État, les nations et les entreprises? Que pouvons-nous apprendre de la situation de la COVID-19 et quelles raisons avons-nous d’avoir espoir?
Voilà quelques-unes des questions que j’ai eu le privilège d’adresser directement à l’auteur de renommée mondiale lorsqu’il s’est joint à nous pour une causerie virtuelle « au coin du feu » lors de la réunion des directeurs généraux en juin.
Nous avons parlé de divers sujets, dont certains qui étaient près du cœur, comme notre impact sur la collectivité et la façon dont il motive notre comportement chez BMO.
Au cours des dix dernières années, en particulier, nous avons redéfini la notion d’intervenant, ce qui nous a mené, l’an dernier, à énoncer une nouvelle raison d’être pour BMO : avoir le cran de faire une différence dans la vie comme en affaires. Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, ce changement a été l’un des plus importants que la banque a réalisé au cours de la dernière dizaine d’années.
Pour Jared Diamond, la crise de la COVID-19 offre, pour la première fois de l’histoire de l’humanité, une occasion pour le monde entier de se rassembler et se mobiliser pour résoudre un problème qui touche chacun d’entre nous.
Je ne prétendrais pas paraphraser la discussion que j’ai eue avec Jared. Plutôt, je vous propose quelques extraits de notre entretien.
Concernant la gestion des crises
Vous savez tous d’expérience, peut-être par la rupture de votre mariage ou un revers de carrière, que certains facteurs font en sorte que vous soyez plus ou moins susceptible de pouvoir gérer une situation difficile. Premièrement, il faut reconnaître qu’une crise existe. Sans cela, vous n’arrivez à rien. Vous devez assumer votre part de responsabilité et ne pas simplement porter le blâme sur les autres en vous apitoyant sur votre sort, et cela vaut également pour les pays. Enfin, vous devez savoir que dans une crise, il faut faire des changements sélectifs, et cela est vrai autant pour les pays que dans le monde des affaires.
Concernant l’identité mondiale et les raisons d’être optimiste
Le monde a longtemps souffert d’une absence d’identité mondiale. Nous nous considérons comme des Américains, et dans l’UE les gens se conçoivent comme des Européens, mais jamais ne nous percevons-nous comme des citoyens du monde. Et pourtant, nous sommes en pleine crise sanitaire mondiale.
Il y a lieu à l’optimisme. La pandémie, pour la première fois, aura mobilisé le monde entier à affronter une même crise touchant les quatre coins de la planète. Aucun pays ne peut se défendre seul contre la COVID-19, donc pour la première fois de l’histoire, les pays sont obligés de travailler ensemble pour résoudre à l’échelle planétaire un problème d’envergure mondiale.
Concernant la résolution des autres problèmes mondiaux qui menacent notre existence
Une fois que nous aurons géré la pandémie, j’espère que nous pourrons nous servir de ce que nous aurons fait comme modèle pour résoudre des problèmes mondiaux beaucoup plus graves que la COVID-19.
Le virus, oui, c’est terrible, mais la situation ne durera pas éternellement, et l’économie reprendra. Pensons aux grands problèmes, comme le changement climatique qui, si nous n’y trouvons pas une solution, détruira notre planète, ou encore à l’épuisement de ressources mondiales essentielles, ou l’inégalité dans le monde.
La raison pour laquelle je suis optimiste est qu’en ayant résolu le problème de la COVID-19 ensemble, au moyen de mesures prises à l’échelle planétaire, le monde se sentira enfin prêt, dans une année ou deux, à affronter de plus grands défis.
Concernant la COVID-19 comme professeure déterminée
Il est rare qu’un problème survienne et que nous trouvions immédiatement la voie à suivre pour le résoudre. Habituellement, en cherchant à résoudre un problème de nature personnelle ou nationale, nous faisons des essais, et les premières tentatives se terminent par l’échec. Dans le cas de la pandémie, plusieurs pays ont essayé de la gérer par eux-mêmes, mais ils sont en train d’apprendre que le contrôle du virus à l’intérieur de leurs frontières seulement n’est pas suffisant; ils finiront inévitablement par se faire réinfecter, comme il est arrivé en Chine et en Nouvelle-Zélande. Nous n’avons pas encore tous appris les leçons que la COVID-19 tente de nous enseigner, mais, telle une professeure déterminée, elle ne nous lâchera pas jusqu’à ce que nous les ayons apprises.
Concernant l’importance du leadership
Le leadership, dans cette situation, fait la différence, et nous avons des exemples de bons et de mauvais leaders.
En 1940, tout jouait contre Winston Churchill; l’armée nazie avait vaincu tous ses opposants, sauf la Grande-Bretagne, qu’elle s’apprêtait à envahir avec ses forces aériennes. M. Churchill a fait un travail extraordinaire en persuadant les Britanniques de ne pas conclure une entente de paix avec l’Allemagne nazie. Il s’identifiait avec l’ensemble du peuple britannique, ce qui en faisait un bon chef.
Abraham Lincoln est un autre exemple d’un véritable leader qui savait parler à l’ensemble de son peuple. Dans son discours de Gettysburg, M. Lincoln n’a pas utilisé les termes « nord » ou « sud »; il s’adressait à tous les Américains. Voilà un autre excellent exemple de leadership solide.
Et ceux-ci ne sont que quelques exemples de leaders qui ont su rassembler leurs concitoyens afin de les unir pour une même cause.
Concernant la mondialisation
Les gens me demandent souvent si la mondialisation fait plus de bien ou de mal. Je leur réponds qu’elle est neutre; elle fait de bonnes et de mauvaises choses. À cause de la mondialisation et du transport aérien, la COVID-19 a pu se propager très rapidement aux quatre coins du globe — voilà un désavantage de la mondialisation. Mais elle signifie aussi que les solutions se diffusent partout dans le monde.
Concernant les leçons de De l’inégalité parmi les sociétés
Je pense que les réponses que j’ai données en 1997 dans ce livre sont substantiellement exactes. À le revoir aujourd’hui, je ne changerais rien de majeur, mais il y a de nouvelles choses qui viennent enrichir le tableau.
Concernant la COVID-19 et le stress
Le stress est l’une de ces choses auxquelles il faut tout simplement s’habituer, mais ce qui peut aider à le gérer, c’est de réfléchir au bien qui peut sortir de la situation, croyez-le ou non. Il a le potentiel de faire en sorte que nous nous attaquions aux grands problèmes de ce monde, ce que j’essaie régulièrement de me souvenir.
Concernant le changement climatique, l’utilisation des ressources et l’inégalité
Les grands problèmes auxquels le monde fait face aujourd’hui étaient là avant la pandémie et le seront après, et ils peuvent miner nos économies de manière permanente, pas seulement un an.
Le premier gros problème est le changement climatique, qui est en train de poser des difficultés presque partout autour de la planète, et dont les dommages seront irréversibles si nous ne trouvons pas une solution. Le deuxième est notre utilisation non durable des ressources. Comme humains, nous dépendons de ressources, plusieurs desquelles sont renouvelables, comme les forêts, la pêche et la terre arable; l’eau douce se régénère par la pluie. Cependant, nous exploitons ces ressources de manières qui ne sont pas durables et nous risquons de les épuiser au cours des quelques prochaines décennies. Et enfin, il y a aussi le problème de l’inégalité dans le monde.
Je suis un optimiste prudent, c’est-à-dire que je reconnais que nous sommes confrontés à des problèmes importants, mais pense que nous sommes en mesure de les résoudre, puisque c’est nous qui les créons. Nous pouvons décider de cesser de créer des problèmes.
Concernant son prochain livre
Le leadership m’intéresse. Il fait une différence. Avant la pandémie, je pensais faire porter mon prochain livre sur le leadership et je n’ai pas changé d’idée.
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