Mobiliser les investissements en minéraux critiques pour la transition énergétique

La transition énergétique avance à grands pas, et les minéraux critiques font partie des conditions essentielles à l’atteinte de l’objectif « zéro émission nette ». Il s’agit notamment des formes transformées de lithium, de cobalt, de graphite, de manganèse, de cuivre et de nickel utilisées dans les batteries, des terres rares utilisées dans les aimants permanents destinés aux moteurs électriques, des tôles magnétiques perfectionnées utilisées dans les transformateurs nécessaires à l’expansion du réseau, et de nombreux autres éléments.

La satisfaction de la demande nécessitera une forte expansion des activités d’exploitation de minéraux critiques. Aux États-Unis, la demande de certains minéraux critiques sera 23 fois plus élevée en 2035 qu’en 2021, et la demande de cuivre, deux fois plus élevée, selon les estimations de S&P Global¹. 

L’ampleur du défi exige une mobilisation massive de talents et d’ingéniosité, mais la tâche n’est pas insurmontable. L’industrie est déjà fondamentalement préparée, puisqu’elle sait où se trouvent bon nombre des ressources minérales critiques et comment les extraire de façon responsable.

La nécessité d’un cadre adéquat

La tâche consiste maintenant à créer un cadre qui encourage les sources de capitaux privés à soutenir la transition et à faciliter l’aboutissement des nouveaux projets. Bon nombre des plus importants bassins de capitaux dont pourrait disposer l’industrie minière sont inactifs depuis des décennies. Il est donc primordial de créer le cadre qui permettra de les exploiter. 

Au cours d’une table ronde animée par Kwasi Ampofo, responsable des métaux et des mines chez BloombergNEF lors du sommet BloombergNEF à San Francisco, à laquelle participaient Amanda Hall, fondatrice et cheffe de la direction de Summit Nanotech et Satish Rao, directeur général de Clareo, nous avons cerné les occasions que doit saisir l’industrie minière ainsi que les politiques et les partenariats qui l’aident à relever certains des défis auxquels elle fait face. 

Enjeux d’échéancier et volatilité des prix

La mise en valeur d’un gisement minier prend beaucoup plus de temps que la réalisation des projets d’investissement des secteurs d’aval – comme l’industrie des batteries – dont découle la forte demande de minéraux critiques. Par exemple, il peut s’écouler en moyenne 15 ans entre la localisation d’un gisement et la mise en production d’une mine, en passant par le développement des infrastructures. L’obtention de produits chimiques de qualité pour batteries peut prendre encore plus de temps.

Cet échéancier contraste avec les délais nécessaires pour construire une usine de batteries. Par exemple, Tesla a construit sa giga-usine de 10 millions de pieds carrés à Austin, au Texas, en moins de deux ans, et sa giga-usine de Shanghai aurait été construite en à peine un an². 

Plusieurs obstacles entravent le développement des projets nécessaires à la transition et à la sécurité énergétiques. Il faut notamment composer avec les longs processus d’octroi de permis, l’importance cruciale de consulter les communautés et les groupes autochtones et de collaborer avec eux, la création de projets respectueux de l’environnement, l’atténuation des risques géopolitiques dans les pays où les ressources sont situées, la gestion du capital et l’inflation des coûts d’exploitation – et ce, tout en créant des entreprises commerciales viables. Le fait que l’horizon d’investissement requis peut s’étendre sur plusieurs décennies peut aggraver le risque perçu par les nouveaux investisseurs, qui doivent aussi tenir compte des préoccupations concernant les perturbations potentielles dans la chimie des batteries ou la technologie de la mobilité.

De plus, les marchés des produits de base dépendent de la dynamique de l’offre et de la demande à court terme liée aux stocks de métaux et à la demande actuelle, bien plus que des attentes futures. Cette année, par exemple, malgré la pénétration croissante des véhicules électriques (VE) sur le marché et la trajectoire de la demande, la dynamique à court terme du déstockage a entraîné une forte diminution des prix des minéraux critiques, dont le lithium et le nickel. Cette volatilité crée beaucoup d’incertitude pour les investisseurs.

Cependant, cela ne change rien au besoin à long terme de capitaux pour pénétrer ce marché et financer de nouveaux projets. Et ces capitaux doivent être disponibles le plus tôt possible pour prévenir les pénuries d’approvisionnement évitables.

Les signaux politiques peuvent renforcer les engagements des investisseurs

Le problème de la poule et de l’œuf qui se pose souvent en matière de financement des investissements en minéraux critiques est complexe. En termes simples, l’objectif est de monter un dossier prouvant qu’un projet peut générer de solides rendements économiques tout en réduisant le risque de perte pour les investisseurs. Il sera alors beaucoup plus susceptible de trouver du financement que les projets présentés comme des paris visionnaires à long terme. 

Des politiques cohérentes, répétées et pertinentes peuvent envoyer des signaux importants aux investisseurs.

En 2023, General Motors (GM) a investi 650 millions de dollars dans Lithium Americas, le plus important investissement effectué par un constructeur automobile occidental pour produire des matières premières pour les batteries. Cet investissement a permis la mise en valeur de Thacker Pass, le plus vaste gisement de lithium connu des États-Unis. BMO Marchés des capitaux a agi comme conseiller dans le cadre de cette opération sans précédent. 

L’opération exigeait le leadership audacieux, la vision et le soutien de nombreux intéressés, dont la direction et les actionnaires de GM. Le contexte politique était également important.

Pendant des années, les gouvernements du monde entier se sont concentrés sur les normes d’efficacité énergétique, et les nations, UE en tête, ont adopté des règlements visant une transition accélérée aux VE. En 2022, deux lois en particulier ont été adoptées aux États-Unis : la Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors (CHIPS) and Science Act et l’Inflation Reduction Act (IRA). Ces deux lois prévoient des incitatifs, des subventions et d’autres mesures de soutien financier pour les industries qui contribuent directement à la transition énergétique. Les économistes de BMO ont estimé à 640 milliards de dollars les investissements en immobilisations annoncés en lien avec la loi CHiPS et l’IRA, un quart de ce montant étant affecté aux VE et aux batteries. 

Un signal politique cohérent contribue à créer un contexte propice aux investissements privés, en confortant la conviction que les objectifs à long terme l’emporteront au bout du compte sur les éventuelles fluctuations à court terme. Aucune politique n’est parfaite, mais un soutien continu et répété crée un système où l’affectation des capitaux est possible. L’objectif n’est pas de financer la totalité de la transition sur les fonds publics, mais plutôt de créer des conditions suffisantes pour le décollage initial, de façon que le mouvement vers un avenir plus vert finisse par l’autoalimenter. 

Nouveaux partenariats, innovation et acceptabilité sociale

Les partenariats qui font intervenir de nouveaux acteurs innovateurs seront également utiles à mesure que l’exploitation des minéraux critiques s’accélère et augmente la nécessité d’être efficace et d’adopter des pratiques responsables. 

L’industrie minière elle-même a évolué en intégrant un groupe plus vaste d’intéressés provenant d’autres segments du marché. Par exemple, les fabricants d’équipements d’origine, les sociétés d’énergie et les investisseurs à vocation particulière gagnent tous à appuyer le rôle des mines dans la transition énergétique.

De plus, les entrepreneurs qui promeuvent de nouvelles technologies peuvent aider l’industrie à être plus efficace et à réduire son impact sur l’environnement. 

C’est le cas de Summit Nanotech, dirigée par Amanda Hall. Cette entreprise utilise une technologie exclusive pour améliorer la façon d’extraire le lithium de la saumure dans le but d’utiliser moins de terres, de créer moins de déchets et de produire des minéraux en moins de temps. Selon Mme Hall, les partenaires financiers ont joué un rôle essentiel en contribuant à assurer que l’industrie, et sa propre entreprise, restent concentrés sur leurs engagements en matière de durabilité et les respectent. 

De fait, aider l’industrie minière à obtenir l’acceptabilité sociale est important pour BMO, dont l’ambition est d’être le principal partenaire de ses clients dans la transition vers un monde carboneutre. Ce sujet demeure un des thèmes majeurs de la 33^ème Conférence mondiale annuelle sur les mines, métaux et minéraux critiques de BMO.

La transition énergétique va bon train et nécessitera la mobilisation de capitaux importants dans de nombreux secteurs différents. Grâce à ses capacités et à son expertise, l’industrie minière est heureusement préparée à relever ce défi.

_{¹ S&P Global,United States Faces New Challenges Meeting Increased Demand for Critical Minerals One Year After Historic Inflation Reduction Act, S&P Global Study Finds communiqué de presse, 15 août 2023.} 

_{²Barnard, Lucy, How the world’s biggest EV battery gigafactories are being built so quickly, Construction Briefing, 21 août 2023.}